Le 14 novembre 2016, la FEC FO a rendu hommage à Georges BUISSON à l’occasion de la sortie du livre de notre camarade Gérard DA SILVA, Georges BUISSON, père de la Sécurité Sociale, en présence de Jean-Claude MAILLY. Une jeune camarade de la Chambre Syndicale est intervenue dans le cadre de cet hommage. Vous trouverez son intervention ci-dessous.

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« Chers camarades bonjour,
Lorsqu’on parle de Sécurité Sociale on pense généralement 1945, Général De Gaulle, Ambroise Croizat, Conseil National de la Résistance.
Mais je dois bien avouer que Georges Buisson était un nom qui m’était inconnu jusqu’à mon adhésion au syndicat il y a 2 ans. Et pourtant si je suis devant vous aujourd’hui c’est grâce à cet homme et au combat de sa vie, dédié au syndicalisme et à la protection sociale.
Georges Buisson a mené la lutte dans une période charnière de la création de nôtre société. Passé dans la clandestinité pendant la seconde Guerre Mondiale pour continuer à porter son projet et finalement devenir « le père de la Sécurité Sociale», comme le mentionne le titre du livre de Gérard Da Silva.
On ne peut avoir pour cet homme qu’un grand respect, pour sa détermination, son implication et le fruit de cette conquête ouvrière et syndicale qu’est le système de Sécurité Sociale français, système, rappelons le unique au monde.
Avant de travailler à la CPAM de Paris, je connaissais la Sécu de par ma carte vitale, les allocations familiales que percevaient mes parents et la retraite que recevaient mes grands parents. En faite sans m’en rendre compte je vivais avec la Sécu depuis ma naissance.
Je voyais la Sécurité Sociale comme une grande administration publique qui permet d’avoir accès aux soins gratuitement et qui aide les personnes dans des situations précaires.
Bien évidemment nous ne pouvons pas y échapper la Sécurité Sociale est un sujet souvent abordé par les médias au travers du système de financement de la Sécu, les cotisations sociales insuffisantes, l’allongement de la durée de vie et bien sur le fameux « trou de la Sécu », que tout le monde connait.
Ce que je retiens depuis mon arrivée dans cette institution, c’est que chaque personne vivant en France, peut bénéficier d’une couverture sociale, quelque soit sa situation ou son âge, et est couvert pour tous les risques de la vie.
C’est ce qui permet la cohésion sociale et le maintient du lien social entre les individus.
Et c’est ça qu’il faut retenir, la Sécu n’est pas une administration comme les autres elle est multiple et en même temps unique, elle nous concerne tous, tout au long de notre vie.
Cela fait maintenant 4 ans que je travail à la CPAM de Paris. J’ai postulé à la Sécurité Sociale en partie par hasard, mais comme on le dit souvent le hasard fait bien les choses, car effectivement j’ai retrouvé au sein
de cette institution des valeurs qui me tiennent à coeur et qui sont celles que Georges Buisson a su concrétiser dans son projet « donner en fonction de ses moyens et recevoir en fonction de ses besoins ».
J’ai été embauchée en CDD en novembre 2012, d’abord en agence puis à l’accueil téléphonique. Au total 24 mois de CDD renouvelés.
2 ans pendant lesquels je ne savais pas si finalement j’allais être embauchée, ou si je me retrouverais au chômage le mois d’après. J’ai signé 9 avenants avant de pouvoir enfin être CDIsée. Et si je n’ai pas lâché c’est en parti grâce au syndicat FO qui m’a toujours soutenu pendant ces longs mois.
J’imagine que mes ainés n’ont pas vécu cette période d’incertitude, du fait que le CDI était la norme. Aujourd’hui le CDD, dans la Sécu comme dans beaucoup d’autres entreprises, est un passage obligé pour tous les nouveaux embauchés, ce qui précarise de plus en plus les jeunes.
De ce fait j’avais déjà remarqué une partie des dysfonctionnements concernant la gestion du personnel, et malgré cette courte expérience j’ai constaté la dégradation de la qualité de service rendu aux assurés et la dégradation des conditions de travail, depuis mon entrée à la caisse.
C’est à ce moment la que j’ai pris conscience que les valeurs que je défendais étaient remises en cause par la direction de mon entreprise.
J’ai donc décidé de me syndiquer à Force Ouvrière et je suis depuis un an déléguée du personnel.
Je n’ai pas eu la chance de connaitre les agences qu’on appelait « des centres de paiements », qui traitaient tous les dossiers et payaient les assurés sur place.
En 1982 il y en avait 256 implantés dans toutes les villes d’Ile de France, parfois plusieurs dans la même ville en fonction du nombre d’assurés. Cette organisation a été conçue pour que chaque assuré dispose d’un centre de Sécurité social proche de son domicile.
Ce qui correspondait précisément à ce que Georges Buisson expliquait lors du débat de l’assemblée consultative provisoire du 31 Juillet 1945 en parlant de l’organisation « Cette organisation présente d’évidentes simplifications pour l’assuré, qui trouvera près de son domicile le service auquel il doit s’adresser pour obtenir les avantages auxquels il a droit »
Et c’est vrai. Quand on entend les agents qui ont travaillé dans ces services, ils nous expliquent qu’ils connaissaient chaque nom, chaque visage et qu’ils pouvaient aider concrètement les assurés en traitant leur dossiers : ça, c’était vraiment de la proximité.
Aujourd’hui il ne reste plus qu’un quart des agences d’Assurance Maladie à Paris, mais cela est vrai pour tous les départements et tous les organismes confondus.
Actuellement quels que soient les demandes, on renvoie systématiquement les assurés vers internet et les sites dédiés, ou à l’accueil téléphonique.
On sent bien que l’objectif est d’éloigner les assurés de la Sécu.
La fermeture des centres a entrainé le regroupement de l’activité sur des grands pôles spécialisés qui traitent les demandes, sans jamais avoir de contact avec le bénéficiaire.
Mais ces restructurations successives entrainent des dysfonctionnements et des délais de traitements important qui portent préjudice aux assurés.
Par exemple les retours pour demande de pièces complémentaires : l’assuré envoie des documents pour le traitement de son dossier, si les éléments fournis ne sont pas suffisantes, le service lui retourne un courrier lui demandant de nouveaux éléments, ainsi de suite jusqu’à accord ou refus de la demande.
Avec ce système, il faut 1 mois pour traiter un dossier d’arrêt maladie, alors qu’avant l’assuré passait en agence, toutes les pièces lui étaient indiquées par l’agent qui allait lui même effectuer le paiement sur place.
Au delà des délais de traitements c’est le lien avec les assurés qui se dégrade et l’image de nos organismes.
Il faut savoir aussi qu’on nous demande à nous agents, de considérer les assurés sociaux ou les allocataires, comme des « clients ».
Cette notion s’oppose totalement à ce que Georges Buisson avait pourtant bien définit dans son premier plan « pour la grande loi de Sécurité Sociale » du 6 décembre 1944, expliquant que les assurés n’étaient pas des clients (je cite) «pour assurer la qualité des soins médicaux […] ; il faut que les honoraires toujours déterminés au préalable soient dans tous les cas pleinement rémunérateur pour que le médecin ne voie plus dans son malade un « client »».
En effet les assurés ne sont pas clients car ils cotisent pour l’ouverture de leurs droits.
Avant on prenait en considération les allocataires ou les assurés, aujourd’hui nous ne sommes plus que des numéros dans une base de données, dans une « fiche client ».
Au nom des économies on cherche l’efficience poussée à son paroxysme, en remettant en cause non seulement le service rendu aux assurés mais aussi les conditions de travail des salariés.
Les caisses nationales cherchent maintenant à regrouper des services qui sont présents sur chaque département, en les mutualisant au niveau régional ou national.
Que ce soient des prestations concernant les assurés, ou la gestion du personnel.
Par exemple : pour les CAF de région parisienne c’est le service paie qui a déjà été mutualisé. C’est la CAF de Paris qui s’occupe de toutes les paies des agents CAF de la région. Mais qu’est-ce qu’il en résulte aujourd’hui, des dysfonctionnements au niveau des paies avec des régularisations qui aboutissent à des salaires négatifs.
Ce constat n’empêche pas la généralisation des mutualisations car ce sont maintenant les CPAM qui mutualisent aussi leurs services paie.
Ce qui se passe pour les activités concernant le personnel est vrai aussi pour les assurés.
Demain ce sera peut être la CPAM de Corse qui remboursera mes soins et la CPAM du Cher qui règlera mes indemnités maladie. Ou que sais-je encore.
Mais dans quel but ? Puis-ce que cela ne fonctionne pas pour la CAF en quoi cela fonctionnerait pour la CPAM ou pour tout autre service.
Mme la Ministre Marisol Touraine nous a donné la réponse dans une déclaration faite récemment (je cite) « en 2017 le trou de la Sécu aura disparu ».
Oui Mais à quel PRIX !
La mutualisation, n’en doutons pas n’est autre que le démantèlement et la perte de plein exercice des différentes caisses de Sécurité Sociale.
Demander aux agents de traiter toujours plus de dossier sans remplacer les collègues qui partent en retraite, sans embaucher suffisamment.
Les salaires gelés depuis 2009, la baisse du budget pour les hôpitaux, La suppression des lits et la généralisation de l’hospitalisation ambulatoire, le déremboursement des médicaments, la régionalisation des URSSAF…
Les voilà les économies pour résorber « le trou de la Sécu ».
Toutes ces mesures détruisent années après années notre système de Sécurité Sociale et de santé.
Jusqu’où iront-ils ?
Force ouvrière se mobilise au quotidien dans la bataille de la protection de nos institutions, pour nos emplois, dans la continuité du combat mené par des hommes et des femmes comme Georges Buisson et renforcer le syndicat face aux attaques répétées du patronat et des différents gouvernements. Le combat pour la défense de la Sécu, c’est aussi le combat pour le maintien de notre convention collective nationale menacée comme toutes les autres par la loi travail.
En conclusion je citerai le mot d’ordre de manifestation de ces dernières années pour la Sécurité Sociale, car il est plus que jamais d’actualité:
« La Sécu elle est à nous, on s’est battu pour la gagner et on se bat pour la garder ».
Paris, le 14 novembre 2016.